Avant la post-synchro

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Au tout début du cinéma parlant, les films destinés à être exploités à l’étranger ne pouvaient pas bénéficier d’un doublage qui n’était pas encore techniquement possible. Les différentes versions des films qui devaient être doublés en plusieurs langues étaient donc tournées sur le même tournage. On procédait ainsi à autant de tournages qu’il y avait de versions linguistiques. Une fois une scène tournée avec l’équipe d’acteurs anglophones, l’équipe d’acteurs francophones pouvait à son tour tourner la scène dans le même décor et avec la même équipe technique, puis les acteurs italiens …

Le film Le Secret du docteur (The Doctor’s Secret – 1929) compte ainsi 8 versions linguistiques tournées simultanément (ou presque) : anglais, français, espagnol, italien, suédois, tchèque, hongrois et polonais. Le film Toute sa vie (Sarah and Son – 1930) en compte pour sa part 7 : anglais, français, espagnol, italien, portugais, suédois et polonais.

Sound Design

Sound design : Le terme désigne initialement une méthode de production de la bande sonore d’un film en fonction des systèmes qui la diffuseront dans les salles de cinéma (Murch). La définition du Sound Design a ensuite été enrichie d’un ensemble de techniques d’enregistrement et de traitement du son et des bruitages dans le but de créer des sons nouveaux ou un univers de sons (Burtt). Il désigne enfin aujourd’hui le processus global de conceptualisation d’une bande son dans son ensemble ou d’un univers ou un environnement sonore dans sa globalité.
Le point commun des ces trois éléments de définition est l’attention particulière qui est portée à la spatialité des sons, à la fois dans l’espace réel où ils seront diffusés mais aussi l’espace virtuel, la diégésis, qu’ils sont censés illustrer ou mimer.

Le terme sound design apparaît dans le cinéma des années 70 principalement sous l’influence du travail de Walter Murch sur les films THX 1138 (1971) ou Apocalypse Now (1979) ou celui de Ben Burtt sur Star Wars IV (1977).
Le climat de crise que connait à l’époque Hollywood, l’émergence de nouveaux moyens techniques (Nagra, Dolby) et de jeunes réalisateurs prêts à expérimenter a profondément modifié l’approche et la production des bandes-son de films. Ces réalisateurs (Coppola, Lucas, Kubrick, Scorcese…) portent un intérêt particulier aux sons qui accompagnent l’image. Lucas dira « Sound is half the experience » (le son est la moitié de l’expérience).
Ils s’intéressent à différentes dimensions du son : la dimension conceptuelle (Kubrik finira par imposer la musique classique de Strauss, Wagner,…), la dimension technique (Lucas encouragera la mise à niveau des cinémas pour profiter du son THX – Apocalyspe Now est le premier film mixé en multichannel 5.1) et la dimension expérimentale/innovatrice à travers une volonté ferme d’utiliser des nouveaux sons jamais entendus et surtout plus riches (nouveautés techniques) que les bruitages proposés par Hollywood.
Ils se sont donc entourés d’hommes dont la mission transgressait avec les usages et la hiérarchie traditionnelle de la production sonore d’Hollywood. Traditionnellement, et par force de conviction des syndicats du cinéma, la production sonore d’un film reposait sur les épaules des 3 hommes (ou équipes) : le preneur de son dont la mission est d’enregistrer sur le tournage les sons nécessaires à la production, le monteur qui se charge de découper, caler et éventuellement ajouter les sons à l’image et le mixeur qui s’occupe de « mélanger » les différentes sources sonores en un tout cohérent. Le rôle confié à Murch ou Burtt embrassait largement ces 3 fonctions.
C’est donc naturellement que le terme Sound Designer est venu qualifier cette nouvelle approche de la production sonore des films. Tous ces films ont ainsi marqué par leur bande-son, leurs bruitages, leur musique qui portent, parfois dépassent, la magie de l’image.

Aujourd’hui avec le développement du multimédia, le terme sound design s’applique dans de nombreux domaines extérieurs au cinéma, partout où il est nécessaire de « bidouiller » sons et bruitages, partout où il est nécessaire de penser le son, l’image et l’émotion comme un tout harmonieux.

Ben Burtt - bruitages star wars

Ben Burtt enregistrant le bruit d’un marteau sur les câbles d’un émeteur radio, un bruitage qui deviendra le célèbre son des pistolets laser de Star Wars.

Sources :
Whittington, William : Sound Design and Science Fiction (2007)
Interviews de Ben Burtt

L’art des bruits

 L’art des Bruits de Luigi Russolo

L’art des bruits

Ce livre un petit manifeste futuriste de 1913 (!!) destiné à révolutionner le son et la musique.
Pour la petite histoire, Luigi Russolo, l’auteur, est né à Venise en 1885. Membre du mouvement futuriste, il consacra une partie de sa vie à la peinture, avant d’entreprendre de révolutionner la musique. Il invente alors de nouveaux instruments qu’il nomme des intonorumori. En avril 1914, il donne son premier concert, accompagné de 18 bruiteurs, ce qui a pour résultat de déclencher une émeute. Il se produit ensuite à Londres et à Paris, où Stravinski, Ravel et Honegger viennent l’écouter. Il poursuit ses recherches et crée successivement le rumarmonio, sorte d’harmonium que Varèse présente en 1929, ou encore le piano enharmonique ou le « Russolo-phone ». Il meurt en 1947.
Peu connu de son vivant, Russolo est aujourd’hui considéré comme le précurseur de la musique électronique. Des musiciens comme John Cage, Pierre Schaefer ou Pierre Henry lui ont notamment rendu hommage.

40 pages – Editeur : Allia (2003) – Langue : Français
ISBN-10: 2844851142 – ISBN-13: 978-2844851147

De la nécessité des bruitages

L’acte de bruiter renvoie au fait d’enregistrer « live » des effets sonores, ou bruitages, en synchronisation avec des images projetées. Cette pratique a été largement adoptée pour devenir presque systématique à partir des années de gloire d’Hollywood. Bien plus qu’un choix, les bruitages réalisés en post-synchro étaient à cette époque une véritable nécessité en raison de différents facteurs qui restent pour certains valables encore aujourd’hui.

La première de ces raisons tient au manque de sensibilité des microphones de l’époque. Ces micros étaient tout juste performants pour capturer les dialogues entre acteurs mais il leur était difficile de capter les bruits des scènes. L’ajout de bruitages en post-production permettait alors de redonner vie et texture aux objets de la scène.

La deuxième raison est également liée aux microphones peu performants de l’époque. En raison de leur manque de sensibilité, une partie des dialogues était généralement doublée en post-production. Si les bruitages avaient été enregistrés avec les dialogues, supprimer une partie des dialogues pour les remplacer en post-production conduirait à également supprimer les bruitages. Il était donc nécessaire de disposer des dialogues et des effets sonores de façon séparée.

La troisième raison, proche de la deuxième, tient au fait que les sociétés de production de l’époque avaient déjà en tête de distribuer leurs films à travers le monde et qu’en conséquence ils devraient remplacer les dialogues originaux par d’autres. Le fait de disposer de l’enregistrement des bruitages indépendamment des dialogues représentaient un gain de temps et d’argent non négligeable.

Ce dernier point reste d’actualité puisqu’aujourd’hui les sociétés de production propose à l’export une V.I., une version internationale, qui ne contient qu’un mixage des ambiances, musiques, effets sonores et bruitages, sans les voix. C’est en se référent à la Version Originale et à partir de la V.I. que l’ingénieur du son doit créer la Version Française en y intégrant les dialogues en français. Il n’a pas ainsi à remixer l’ensemble des ambiances, musiques, bruitages et effets sonores, préservant production initiale.

Foley stage - bruitages

Bruits et sons dans notre histoire

Bruits et sons dans notre histoire : essais sur la reconstitution du paysage sonore de Jean-Pierre Gutton

bruits et sons dans notre histoire

Présentation du livre par l’éditeur : Nos ancêtres du Moyen Age ou des Temps modernes vivaient dans un environnement souvent bruyant et dans lequel les formes de communication orale avaient, pour le plus grand nombre, une autre importance que celles de l’écrit. Les cloches rythmaient bien des activités ; les pouvoirs faisaient connaître leurs décisions par des  » crieurs  » ; charivaris, rumeurs, invectives publiques étaient les vecteurs d’une justice populaire redoutée. L’effort d’acculturation que la monarchie et les Églises conduisent pour  » policer  » sujets et fidèles tend à maîtriser bruits et sons. Le paysage sonore résulte donc de considérations autant spirituelles et sociales que matérielles. Les années 1750 commencent à découvrir intimité et acoustique, mais c’est évidemment le siècle suivant qui apportera les bouleversements les plus importants : révolution industrielle, multiplication des moyens d’information, premiers instruments de conservation et de reproduction des sons. Notre temps est confronté au fléau du bruit et aux questions, techniques et politiques, posées par sa nécessaire maîtrise. L’histoire des aspects sonores du passé, pour difficile qu’elle soit, est indispensable à la compréhension de la sensibilité de nos pères comme à celle de la nôtre.

184 pages – Editeur : Presses universitaires de France – PUF (2000) – Langue : Français
ISBN-10: 2130508642 – ISBN-13: 978-2130508649

Premier bruitage de l’histoire

Big Ben : premier bruitage de l’histoire

La première prise son de terrain de l’histoire, connue à nos jours, a été réalisée à Londres par Miss Ferguson et Graham Hope le 16 juillet 1890 à 10h30 ! Une précision qui tient au contenu du bruitage enregistré : la sonnerie de Big Ben annonçant 10h30, 10h45 puis 11h00.

Enregistré sur un cylindre de cire, ce bruitage est aujourd’hui conservé au Edison National Historic Site National Park Service qui en propose une version MP3. Relevant du domaine public, nous pouvons librement en proposer une écoute :

D’autres merveilleux fossiles sonores sont à découvrir dans cet article consacré aux sons très anciens.

Clap de cinéma

Clap de cinéma : Le clap est outil de tournage de film pellicule servant de repère pour référencer une prise et permettre la synchronisation de la bande son avec l’image au montage. Un clap est constitué de deux morceaux articulés que l’on frappe avec l’émission d’un bruit devant l’objectif. Une ardoise est généralement accolée au clap afin d’inscrire le numéro de la prise en cours. Il doit être utilisé à chaque début d’une nouvelle prise, ou parfois a la fin de celle-ci pour un soucis de discrétion ou de concentration.
Le point de synchronisation entre le son et l’image sera le tout début du bruit avec la première image où le clap est vu en position fermée.

clap de cinéma

Jack Foley, pionnier du bruitage

Jack Foley (1891-1967) est certainement l’un des bruiteurs les plus connus principalement parce que son nom désigne depuis les années 50, chez les anglo-saxons, les bruitages réalisés en post-production.

Pour la petite histoire, Jack Foley travaillait pour Universal notamment en tant que responsable de la réalisation des bruitages du film Smuggler’s Island. Différentes scènes de ce film faisaient appel à des sons de barques (les acteurs devant traverser un lac à plusieurs reprises). Jack Foley, dans le but de gagner du temps sur l’édition des sons, décida de jouer ces scènes en studio et d’enregistrer « one shot » les bruitages directement synchronisés avec les images qui étaient projetées sur un écran. Le résultat est apparu si efficace que la technique a rapidement été associée à son nom.

Robert Mott précise toutefois que Jack Foley n’a pas inventé la technique de réalisation des bruitages synchronisés, son nom lui a simplement été associé. Avant cela la technique existait déjà, on désignait par effets synchronisés les bruitages qui avaient besoin d’être ajoutés à un film. Chez Paramount Pictures, par exemple, le terme employé pour ces bruitages était make and sync.

Il a néanmoins travaillé en tant que Foley Artist (bruiteur) sur de nombreux films parmi lesquels Spartacus (1960), Dracula (1931), Show Boat (1929), The Phantom of the Opera (1925) ce qui lui a valu différents Awards.

Jack Foley pionnier du bruitage

Jack Foley

Le premier film avec du son

Alors que le premier film sonore de l’histoire du cinéma reste pour beaucoup The Jazz Singer (1927), un premier film expérimental datant de 1894 ou 1895 montre bien l’ébauche un enregistrement du son en même temps que les images. Le Dickson Experimental Sound Film est un court métrage réalisé par William K.L. Dickson.

C’est le premier film tourné pour le Kinétophone, un dispositif développé par Thomas Edison et William K.L. Dickson permettant d’enregistrer le son sur un cylindre de cire. Le film fut produit à la Black Maria, un studio de tournage d’Edison. On y voit un homme jouant du violon devant l’énorme cône servant à recueillir le son, alors que deux hommes dansent devant lui. La séquence dure moins de trente secondes.

Le film a été restauré récemment. L’histoire aura voulu que le film et la bande sonore restent séparés pendant plus de 100 ans, soigneusement rangés dans des archives différentes des Etats-Unis. Il aura plus de 100 ans avant qu’un homme se dise qu’il y avait peut-être un rapport entre ce rouleau de film et ce rouleau de cire. Il fait aujourd’hui partie du United States National Film Registry.

Voici le film de sa restauration  :

L’inventeur du microphone

L’invention du premier microphone (utilisable) est attribuée à Alexander Graham Bell surtout connu comme l’inventeur du téléphone (pour lequel un micro était nécessaire). Cette paternité est toutefois contestée pour revenir à Émile Berliner, l’inventeur du gramophone. Il aurait ainsi conçu le premier micro le 4 mars 1877.

Emile Berliner inventeur du microphone

Emile Berliner parlant devant l’une de ces premières inventions : le microphone